« L’Herbe aux cerfs, trésor discret de Fayence »
Publié le 08/09/2025 par Fayence Avenir
En traversant un champ abandonné de Fayence, mon regard s’est arrêté sur une grande tige robuste, dressée parmi les herbes sèches. J’ai cru, de prime abord, qu’il s’agissait de fenouil sauvage, compagnon habituel de nos talus et de nos chemins, tant son allure pouvait y faire penser. Mais très vite, un détail m’a troublée : l’odeur, bien qu’agréable, n’était pas celle, anisée et familière, que nous associons tous au fenouil. Intriguée, je me suis approchée. La tige était striée, ferme, sans creux. Les feuilles, finement découpées, portaient une teinte un peu glauque au revers, et les ombelles blanches commençaient à se déployer. En cherchant davantage, je compris que je n’avais pas affaire à du fenouil, mais à une autre plante de la même famille : l’Herbe aux cerfs.
Cette plante, que les botanistes nomment Peucedanum cervaria ou Cervaria rivini, appartient à la grande famille des apiacées, la même que celle du persil, de la carotte et du fenouil. Elle peut s’élever à plus d’un mètre de haut et se distingue par sa tige glabre et cannelée, ses feuilles très découpées et ses ombelles de fleurs blanches qui s’épanouissent en plein été, de juillet à septembre, comme une dentelle au-dessus des herbes brûlées par la chaleur. Elle affectionne particulièrement les sols calcaires et les coteaux secs, ce qui explique sa présence dans notre région. Commune dans certaines zones méditerranéennes, elle reste, il est vrai, assez méconnue.
Pourtant, l’Herbe aux cerfs a accompagné des générations d’hommes et de femmes. Depuis l’Antiquité, on lui attribue des vertus médicinales : ses graines auraient des propriétés stimulantes et diurétiques, ses racines aideraient à la digestion et favoriseraient la transpiration ou l’activité menstruelle. Mais son intérêt ne se limite pas à la pharmacopée traditionnelle. Dans certains pays, comme la Suisse ou la Suède, ses racines ont été utilisées comme condiment, surnommées parfois « gingembre suédois » ou « gingembre du Nord ».
En Russie, elles servaient à relever certains plats, tandis qu’en Autriche, les feuilles entraient dans la conservation de la viande séchée. Les jeunes tiges, confites au sucre, rappelaient l’usage de l’angélique et pouvaient apporter une touche originale en confiserie.
Ce patrimoine de savoirs et de saveurs, conservé ailleurs en Europe, nous rappelle combien nos paysages regorgent de trésors modestes, prêts à retrouver leur place. Ainsi, ce qui apparaît chez nous comme une simple plante de friche recèle un potentiel insoupçonné. Là où d’autres pays ont su valoriser l’Herbe aux cerfs, que ce soit en cuisine, en herboristerie ou dans la conservation alimentaire, nous pourrions, à Fayence, redécouvrir et revisiter ces usages. Elle pourrait inspirer des recettes originales, enrichir nos produits du terroir ou encore être mise en valeur dans des ateliers botaniques pour sensibiliser habitants et visiteurs à la richesse de notre biodiversité locale. Une herbe sauvage, discrète et robuste, pourrait ainsi retrouver une place de choix dans notre patrimoine, entre mémoire et innovation.
L’Herbe aux cerfs pourrait redevenir condiment, infusion ou confiserie, et s’inscrire ainsi dans une démarche qui relie la mémoire des anciens à l’inventivité d’aujourd’hui, pour porter haut la valeur de la terre de Fayence, nourrie de soleil.
Sylvie Brunier
fayenceavenir@gmail.com